
Gruyères
Jean Doutaz s’est endormi paisiblement le 15 mai, dans sa 94e année. Un dernier hommage lui a été rendu en l’église St-Théodule de Gruyères, le 18 mai.
Jean Doutaz, dit Jean-Jean, est né en 1925, à la ferme de Leysin, du côté de Saussivue. Il était le cinquième d’une fratrie de 13 enfants. La famille habita par la suite à L’Erdzire, à Pringy. On dit d’ailleurs: «les Doutaz de L’Erdzire». Jean passa sa vie sur les terres de Gruyères.
Jusqu’à 27 ans, il épaula sa famille à la ferme, tout en prêtant main-forte aux paysans voisins. Mais son métier sera bûcheron. Il l’exerça en tant qu’indépendant et employa plusieurs personnes à ses côtés. Jean-Jean partait le lundi matin vers les forêts du Moléson, sa hotte sur les épaules. Il ne rentrait pas avant le vendredi, dormant dans les chalets et les cabanes forestières, travaillant six jours sur sept.
Une vie rude, mais belle. Jean-Jean adorait la forêt. Ses enfants se rappellent qu’ils le rejoignaient parfois. «On avait pour mission de préparer le repas de midi, se souvient Francis. A 11 h, on faisait le feu et on embrayait les rösti.» Le dimanche, il embarquait toute la famille dans sa Jeep Willys, direction le Motélon. On étendait une large couverture sur l’herbe grasse. On installait une petite broche. Un morceau de pain, du vin… les pique-niques avaient un parfum d’éternité.
Jean Doutaz unit sa destinée avec Cécile Gremaud en 1953. Quatre enfants sont nés de ce mariage: Francis, Anne-Marie, Jean-Pierre et Léon. Plus tard, neuf petits-enfants et onze arrière-petits-enfants vinrent agrandir le cercle familial. Autant de rayons de soleil qui réchauffaient le cœur de Jean. Père attentionné, il a su partager son savoir et transmettre son amour de la nature à ses enfants. Sa vie durant, il est resté très proche de sa fille Anne-Marie.
L’autre passion de Jean Doutaz était le tir. Vétéran cantonal, médaillé, membre d’honneur de sa société: il a été grand tireur. Fils de braconnier, mais jamais braconnier quant à lui. Vider les bêtes avec son grand-père, quand il était enfant, l’avait dissuadé à jamais de s’en prendre à un animal.
A 48 ans, Jean fit un grave accident vasculaire cérébral qui lui valut une longue hospitalisation à Lausanne. Il en gardera des séquelles à vie. Dès lors, il n’a jamais pu reprendre son activité professionnelle. Le quotidien de la famille s’en trouva bouleversé. Du jour au lendemain, son épouse Cécile s’efforça d’assurer la continuité tant familiale que professionnelle. Elle ne manqua jamais de courage ni de détermination.
En 2001, le couple entra ensemble au Foyer St-Germain de Gruyères. Jean eut la tristesse de perdre son épouse trois ans plus tard. Il continua malgré tout à vivre sereinement dans un foyer où il se sentait bien: «C’est comme à l’hôtel!» avait-il coutume de dire, tant le personnel s’occupait bien de lui. La veille de sa mort, Jean Doutaz répéta les paroles que le médecin avait eues à son égard le jour de l’AVC: «Celui-ci, on ne le reverra plus demain matin.» Jean-Jean se les rappelait… quarante-six ans plus tard.
A sa famille, à ses proches et à tous ceux que son départ laisse dans la peine, La Gruyère exprime sa sympathie. GRU